Nous leur sommes tant reconnaissants
mer. 30 août 2017 15h56

Jean Pougny, Cadre et bouteille, 1922.
Il faut donc se rendre à Krasnodar pour le voir.
On y verra aussi un Malevitch.
Nous leur sommes tant reconnaissants parce qu'on ne connaît rien qu'on ne reconnaisse d'abord.
Sans l'avoir jamais vu, ce cadre est au mur de la chambre. De même que la table du bistrot est là dans ce café. Et bien sûr la bouteille. À la façon dont le narrateur de la Nausée reconnaît la racine de l'arbre dans le parc de Bouville : nous pouvons passer devant le cadre au mur tous les jours de l'année sans jamais le voir, ou plutôt sans jamais le voir tel qu'il se donne à voir, tel que sa présence s'impose à nous dans ce qu'elle a de singulier, dans son décalage — peut-être ce léger angle que prennent les choses lorsqu'elles se pressent sous le prisme de l'alcool.
L'évidence, c'est ce que l'on ne peut pas voir. L'évidence, c'est le manque de recul.
(Chaque tableau réclame son recul. Idéalement sans qu'un visiteur n'en profite pour s'interposer.)
Sunday April 17, 2005 - 11:46pm (CEST)